11 mai 2020.
Jour de libération de cette période de confinement.
Ce sont les saints de glace, la météo n'est pas au beau fixe. C'est même le déluge! De gros cumuls sont annoncés. L' iso reste assez haut aux alentours de 3500, peut-être moins selon les météos. Une fenêtre semble possible mardi matin, le soleil pourrait déchirer le ciel quelques heures.
Banco, j'y crois!
Le rêve d'une journée de poudre au printemps sur le glacier Blanc se dessine.
C'est assez peu probable que tous les éléments soient réunis pour ne pas prendre un gros but... mais après deux mois à regarder cette neige fondre, pas de place pour la procrastination !
Je fais le tour des copains, pas de grosse motivation dans les troupes... Vincent sera le seul à m'accompagner.
Informations prises à la mairie de Pelvoux : la route après Ailefroide n'ouvrira que... le lendemain!
On est plus à ça prêt, les vélos et tout le matos sont chargés dans le camion et direction la Vallouise.
Ailefroide sous la pluie, point de départ du déconfinement
Autant la météo à Briançon était correct, autant en Vallouise c'est l'Ecosse en hiver! Jour blanc, bruine, brouillard...
Début du triathlon sur la route du Pré de Mme Carle
Les sacs sont bien lourds, 8°6 et duvet obligent... La tente reste au camion, on croise les doigts pour que le refuge d'hiver soit ouvert, sinon ça sera bivouac. Il est 18h et ça pédale!
On est pas bien là ?
Un bon mètre de neige recouvre tout le pré de Madame Carle. C'est l'heure d'abandonner les vélos sous un arbre, d'enfiler les pompes de ski déjà bien trempées et d'attaquer le skating.
Ski short, la base.
Vous vous demandez ce qu'on fou là ? Nous aussi ! Les skis sont vites rangés sur le dos, à l'attaque du chemin d'été. Plus un gramme de neige, mais des chamois en pagaille. Ça déroule tranquillement jusqu'au plateau où la neige et la nuit font leur apparition. Les peaux n'apprécient guère le taux d'humidité élevé, les skis resteront sur le dos. Et c'est en chaussures de ski qu'on attaque la partie finale. Bon brassage dans du granité, parfois jusqu'aux chevilles, parfois jusqu'aux cou**les. Quelques passages dans les vires et le refuge du glacier Blanc apparaît. Il est 22h00, la porte est ouverte!
Gastronomie parisienne (de rue), sentorettes, une tisane et au lit. Il est 00H30, réveil dans 4 heures! Dehors, c'est toujours l'Ecosse.
2H30: vidange de la bière grand cru Lidl, sous une pluie d'étoiles !!!
5H00: café/clope, il fait grand beau, c'est improbable !
Mer de nuages à 2500 m, un rêve :)
Petit regel dans la nuit qui fait bien plaisir.
On avale les 500 premiers mètres, le Pelvoux s’illumine
Vincent est en forme, moi franchement pas ! Je subis le glacier Blanc et ses kilomètres de plat. Le fond du vallon se dégage et elle apparaît, sublime, sous son beau plâtrage printanier : la Barre.
Comme une invitation, la poudre de la Barre brille au soleil !
Le glacier Blanc pour nous!
Roche Faurio était la première intention. C'est moins raide, il n'y a pas de séracs et moins de dénivelé aussi. L'inactivité du confinement se paye au prix fort et c'est en tirant la langue que le fond du glacier est atteint. Aucun sérac n'est menaçant, les pentes sont bien plâtrées, on opte pour la Barre! Dur dur d'attaquer les 800 m de dénivelé en étant déjà rôti...
Le cerveau débranché, dur dur les conversions...
Vincent fera la trace sur les 9/10 de l'itinéraire. La poudre est bien compacte, ça ne brasse pas trop. Au bâton, ça oscille entre 20 et 60 cm. Je peine à trouver un rythme, obligé de faire une pause tous les 10 mètres. On l'aura au mental cette barre !
Assaut final jusqu'à la rimaye
On stoppera sous la rimaye, en haut des pentes. La traversée jusqu'au Dôme ne présente pas grand intérêt, la température grimpe en flèche et il nous reste 2500 m de descente jusqu'à Ailefroide.
Sous la rimaye, 800 m de pentes vierges s'offrent à nous.
Les grands sommets des Alpes au dessus de la mer de nuages.
C'est pas le Japon mais c'est trop bon! 10 minutes de pur délire, seuls à la barre des Écrins avec de superbes conditions.
Improbable
Monoski style
Une journée de poudre seul à la Barre des Écrins sous un grand soleil. Hold up d'une vie !
Glisse, marche et vélo jusqu'au camion, sous les grondements incessants des faces qui purgent. La montagne nous offre le bouquet final d'un hold up d'une vie !
Bavella, ses aiguilles acérées, son granit parfait, ses lignes de fissure à perte de vue... Programme de rêve pour terminer en beauté cette saison délicate.
Vue depuis le sommet d'U Candellonu
C'est décidé, on quitte les foules pour 4 jours, direction le vallon du Pulischellu. Le canyon du même nom en début de vallée est probablement l'un des plus fréquenté au monde... Mais plus loin, moyennant quelques heures de marche, se trouvent des faces parmi les plus hautes et les plus sauvages de Corse ! Nous avions découvert ce lieu deux ans auparavant avec Lorenzo et le coup de cœur fut instantané .
La confidentialité de l'endroit, les accès longs et délicats, le peu d'informations sur les itinéraires... Ça nous promet une belle Aventure! Je propose à Marco de nous accompagner, nous serons trois. On a repéré les faces quelques jours plus tôt depuis le sommet de la Punta Rossa.
U Candellu à gauche et U Candellonu à droite.
Cette année, on décide de gravir U Candellu et U Candellonu. Ces deux pointes avoisinent les 700 m depuis le Pulischellu.
Peu d'infos dans les topos, on tombe sur un article de Lionel Catsoyannis qui est allé visiter les lieux deux ans auparavant. On récupère ses deux topos à l'auberge et on prépare le matos.
Logistique
Qui dit Big Wall dit grosse logistique et gros sacs! Nourriture pour 4 jours, campement, coinceurs, cordes... On arrive à caser 60 kilos dans nos trois sacs. 4 heures de marche, quelques erreurs, pas mal de doutes sur la fin... On arrive au pied d'une belle fissure évidente.
Lolo dans L1, pas évident à froid :)
Les longueurs s’enchaînent, que des belles fissures pas faciles! C'est assez large et vraiment peu prisu... Renfougne, combat de rue et cet âne mort à hisser (deux jours d'eau ça pèse..) .
R2, quel caillou de rêve!
L3 et son gros Off-width bien teigneux en 6b+
4 longueurs plus tard, dont 3 bien soutenues, nous découvrons le bivouac du Crâne. Annoncé 4*, il est effectivement fabuleux! Un gros bloc est posé en haut d'une tour. On s'organise sous les taffoni, en terrasse ou encore sur le rooftop... C'est l'un des plus beau bivouac que j'ai vu en paroi!
Le crâne version intérieure.
Le crâne depuis la terrasse au petit matin.
Le ciel se charge déjà!
La météo annonçait un peu de pluie. On décolle donc bien tôt, histoire de ne pas finir la voie sous l'orage!
Et sinon, on prend quelle ligne de fissure?
Marco entame la journée avec un programme semblable: fissures, castagne et hissage. En tout cas, c'est vraiment classe et logique. Le style de grimpe est usant mais quand on aime, c'est fabuleux!
Des relais conforts et une vue à couper le souffle!
Le haut de la voie déroule bien, alternant fissures et grimpe extérieure. Il ne nous faudra pas longtemps pour sortir sur la grande vire intermédiaire.
La sortie d'Honey Moon, une belle ambiance "Gréponesque"
On trouve rapidement le bivouac "Quilici" qui sera notre camp de base pour les 3 prochains jours. Il est tôt, on a envie de grimper! Mais d'abord, il faut trouver de l'eau.. et ça ne semble pas gagné, rien ne coule sur cette grande vire. On part à l'aventure chacun de son côté, on bartasse et on coupe des branches. On trouvera enfin un micro filet d'eau dans le grand canyon qui barre le côté gauche de la vire. Ça sent la tortue mais heureusement on met la main sur des plaquettes de Micropur.
L'eau salvatrice !
On organise un camp, Marco se lance dans d'authentiques Chapatis cuits à même la braise. La face de demain est fabuleusement raide et tellement vaste. On imagine des centaines de possibilités quand les nuages veulent bien se déchirer...
Mosquitos 1 / Lolo Burka 0
Malgré sa moustiquaire maison, Lolo se réveille avec un terrain de motocross en guise de front.. On décolle au petit jour, au programme 450 m de fissures autour du 6b nous attendent !! Avec un ou deux ficelous tout au plus :)
Lolo renfougne avec le gros sac sur le dos..
Marco dans le premier bastion..Physique !
Les longueurs sont franchement mythiques! C'est raide, varié, jamais extrême et super logique. Et en plus ça protège bien :)
Extraordinaire cette face! Marco en termine avec les 10 m de dalle de la voie.
Lolo prend la main pour la seconde partie de l'itinéraire. C'est clairement la plus impressionnante et la plus difficile. Traversée bien délicate, mur technique, cheminée.. Et la pression qui monte à l'approche de la barre de toits qui raye le haut de la face!
La traversée en 6b+
Même dans les toits, les relais sont conforts :)
Lolo attaque la longueur clef par la droite.
Au départ de cette longueur dans les toits, Lolo choisira l'option mur compact engagé à droite.. Pourtant la cheminée en 4 à gauche est des plus commode :) Il s'en suit la sortie déversante, protégée à coups de n°5. C'est franchement impressionnant mais au final pas difficile (parole de second).
Le 6b+ Offwidth et son panache de couleurs!
Je m’attellerai aux dernières longueurs, moins intéressantes, à part la dernière fissure à main.
Bientôt là haut.
La petite dernière, bien classe!
Au sommet d' U Candellonu, panorama exceptionnel!
Grand bonheur au sommet, on est sous un soleil éclatant, la vue est sublime. Trois grands rappels dans la face nord et 1h de marche nous ramène à notre beau bivouac.
On rempile tôt le matin pour le pilier sud d'U Candellu. On ne possède que très peu d'infos sur la voie, on part donc "à vue" dans une ligne qui nous plaît.
Réveil hypnotique.
Les longueurs s’enchaînent, belles fissures, cheminée puis orgues granitiques moins compacts.
On est pas bien là?
Mais rapidement des goujons fleurissent (en masse..) à côté des fissures. Deux longueurs seront partagées avec la voie "Les larmes du Pulischellu" (elle porte bien son nom celle-là).
Oupsss
Des branches et des touffes d'herbe pleuvront dans quelques longueurs, mais le sommet se rapproche et la peau de nos doigts s'en réjouissent :)
Gooooooo
Sommet (dans le brouillard cette fois-ci), descente (laborieuse) en rappels dans "les larmes du Pulischellu". Une bonne bouffe et une belle nuit tous les trois dans la tente.
Le grand rappel pendulaire.
Le lendemain, on optera pour la descente dans le canyon. C'est très commode et vraiment classe. S'en suivra la marche, la douche, les canyonneurs, la civilisation, le burger, les frites ketchup/mayo, mon "petit chat des bois", le bateau.....
Vivement la prochaine!!!
La micro sieste, c'est la vie..
A prestu !
Honey Moon TD+ 270 m, 3 lunules dans la voie. Soutenu dans le 6b fissure, rocher fabuleusement compact. Merci à Lionel et M.Line pour cette belle ouverture. Topo à l'auberge du col
Voie Afanassief-Quilici ED+ 450m, 2 lunules dans la voie. Soutenu dans le 6b. Raide, varié, grande ambiance, vraiment superbe! Merci à Michel et J-Paul (et Lionel et M.Line) pour cette belle (re)ouverture.
Variante de droite du Pilier Sud TD 350m. Des fissures d' anthologie et du moins intéressant.